Du lait au fromage, on pourrait s’imaginer qu’il y a peu d’étapes de transformation et pourtant, la divine texture et saveur du Salers se mérite ; aussi je fais ici un focus sur les délicieux fromages AOP d’Auvergne. Partie à la rencontre des agriculteurs de la ville de Saint Cernin, dans le Cantal, je me suis faite petite souris et ai suivi le processus de fabrication du Cantal et du Salers auprès de Gilles Benech.

Il est 6 heures du matin, le soleil est à peine levé que le givre et la rosé enveloppent encore de leur manteau blanc et scintillant les prés aux alentours de Saint-Cernin. En prêtant une oreille attentive, on peut distinguer quelques tintements de cloches de vache ici et là, qui viennent tirer de leur torpeur les villageois d’Anglards Le Pommier. Au même moment, dans l’exploitation familiale de Chantal et Gilles Benech, 60 vaches laitières montbéliardes, à la robe rousse et blanche, sont déjà parties pour la première traite de la journée.
Une heure plus tard, Olivier Métais, agriculteur et collaborateur de Gilles, lui apporte les litres de lait fraîchement traient. Travaillé à chaud (entre 30 et 34°C) dans une gerle en bois, le lait se voit additionné de présure afin de lui permettre de cailler.
Mais qu’est-ce que la présure ? Il s’agit là d’une enzyme naturellement présente dans l’estomac des petits veaux, et qui a pour but de faciliter la digestion du lait aux jeunes ruminants ; enfin pour nous, elle aura comme principe d’accélérer le caillage du lait (coaguler ou de façon imaginée, elle permet de donner au lait une apparence de flan). La durée de coagulation est comprise entre 22 et 45 minutes.
Avant de travailler le caillé, on remarque que ce dernier est couvert d’un liquide un peu jaunâtre, appelée lactosérum ou « petit-lait ». Le caillé est découpé à même la gerle en fins granulés grâce à une grande lyre, puis déposés au cœur d’un grand drap en lin mis dans le presse-tome. Il est progressivement comprimé, découpé en gros blocs qui sont retournés afin d’obtenir un égouttage parfait.
L’agriculteur conte les étapes de Confection du fromage.
Vous me direz, ok elle nous a expliqué en quelques lignes, par quel procédé caille le lait, mais après avoir pressé le caillé et obtenu de la tome, qu’est-ce qui se passe ?
On procède à la salaison de la tome. C’est à partir de cette étape que l’on pourra distinguer plus tard le cantal du salers. Auparavant, celle-ci aura subi une phase de maturation de 24 heures. Elle est broyée puis salée ; on note que le salers est salé à 21 mg/litre, tandis que le cantal l’est moins. Enfin, la tome est disposée dans des moules en forme de meule. Le pressage, progressif, est alors effectué verticalement durant 48 heures (pour les fromages de Gilles).
L’affinage des fromages est effectué dans une cave dont l’hygrométrie est de 95 % au minimum et la température comprise entre 9°C minimum et 12°C maximum. Les fromages sont régulièrement frottés ou brossés et retournés pour obtenir une croûte régulière.
En fonction de son âge, le fromage est appelé :
- Cantal jeune : affiné de 30 à 60 jours
- Cantal entre-deux : affiné de 90 à 210 jours
- Cantal vieux : affiné plus de 240 jours
- Salers : affiné au minimum 90 jours
Si lors d’un voyage dans le Cantal, vous marquez une pause près de Saint-Cernin, venez assister à la préparation de ces gourmands fromages millénaires à la pâte pressée non cuite.
Pour les impatients et ceux qui clament haut et fort qu’une image vaut mille mots, voici un diaporama de ma visite. N’hésitez pas à cliquer sur les photos pour avoir des informations :
Tout commence ici, dans les verts paturages aux alentours de la ville de Saint-Cernin. Le troupeau de 60 vaches laitières Gilles Benech et Olivier Métais.
Gerle qui accueille les litres de lait. C’est dans cette cuve que le lait va subir sa première transformation. Gilles Benech ajoute de la présure, un coagulant naturellement présent dans l’organisme des petits veaux, et qui leur permet de digérer le lait de leur mère. Ce coagulant a ici pour fonction de figer le lait et d’obtenir le caillé. Ce dernier est ensuite coupé très finement à partir d’une lyre.
Une fois que le caillé a été tranché et réduit en granulés, Gilles le rassemble dans un grand tissu en lin et l’insère dans le presse-tome. Le presse-tome rassemble non seulement les granulés, mais essore en quelque sorte la tome afin d’éliminer le maximum de lactosérum « petit lait ». L’opération est répétée 2 ou 3 fois.
Le petit lait récupéré est ensuite écrémé, puis peut servir à abreuver les cochons dans d’autres fermes.
Tandis que le petit lait fait son chemin d’un côté, le caillé transformé en tome servira d’ingrédient principal à la truffade ou à l’aligot. Mais la plus grande partie de la tome sera ensuite salée et de nouveau redécoupée en granulés.
Repos obligé de plus de 24h.
Les granulés ne sont pas plus gros qu’un petit pois.
la tome broyée est mise dans des moules qui sont compressés petit à petit. Le pressage dure entre 12 et 18 heures selon la taille de la meule de cantal.
Pendant ce temps, on ne baye pas aux corneilles. Gilles nettoie la gerle en bois. Attention, surtout ne lui parlez pas de « désinfecter » la cuve. Comme il nous le confie « c’est un terme barbare réservé à l’inspection sanitaire. Gilles parle plutôt de nettoyer la cuve, et ne veut surtout pas détruire les bonnes bactéries lactiques qui y sont présentes. D’ailleurs, comme l’exprime très bien le site du Domaine de la Vougeraie : « Les bactéries issues du petit lait nettoient les bois, agissant comme « désinfectant naturel » et préservent les ceps contre certaines maladies dégénérescentes du bois telles que l’esca. » Donc très bon pour nos gerles et aussi pour les tonneaux qui conservent le vin. Astucieux !
Une fois prêtes, les meules de cantal et de salers iront rejoindre la cave pour y être affinées.
Il faut savoir que l’affinage des fromages est méticuleux et doit être effectué dans une cave dont l’hygrométrie est de 95 % au minimum et la température comprise entre 6°C minimum et 12°C maximum.
Les fromages sont régulièrement frottés ou brossés et retournés pour obtenir une croûte régulière.
Bien qu’ils ne soient pas marqués au fer rouge, les fromages ont une petite carte d’identité, mentionnant leur date de confection.
Alors vous êtes plutôt cantal jeune, entre-deux ou …
Cantal vieux, avec ses 240 jours d’affinage au minimum.
La visite se termine sur cette incroyable variété de fromages. Les saveurs et les odeurs ne sont pas si loin de vous, sachez toutefois une chose, le salers à un goût plus rond et une saveur fleurie à tomber à la renverse. Je vous laisse faire votre choix !
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Juliette Durieux
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